Du mythe à la réalité...

Parmi les mythes qui entourent l’allaitement, on pourrait évoquer, pour ne citer qu’eux, ceux énoncés autour :

  • du nombre de tétées par jour (Souvent il est donné comme indication le nombre de BIBERONS de lait artificiel qu’un bébé prendrait par jour) 
  • de la durée des tétées (pas plus de 10min par sein) 
  • de l’espacement des tétées (attendre au moins 3h au risque de lui abimer l’estomac)
Que de cases dans lesquelles essayer de rentrer quand on est jeune maman (et je ne vous parle pas de bébé qui ne s’était pas du tout préparé à tout ça !)

Aussi nous vous proposons de (re)découvrir, à travers quelques extraits des Dossiers de l’Allaitement de la Leche League, les rythmes de l’enfant les 3 premiers jours et après!

Ces informations permettront certainement aux parents voire aux professionnels  de prendre la nécessaire distance avec les discours le plus souvent assénés aux parents.
Tout d’abord, un petit rappel sur la composition du lait d’humain !
« La composition du lait
Certaines femelles mammifères, telles les lionnes et plusieurs espèces de biches, laissent leurs petits dans des nids ou des terriers, et ne reviennent les voir que toutes les 6 à 12 heures. Elles font partie des espèces "à caches". Leur lait est très riche en graisses et en protéines, et permet aux petits d'être rassasiés pour de longues périodes.
En comparaison, le lait de femme, moins "concentré" et moins riche en calories, suppose un écart entre les tétées variant entre 20 mn et 2 heures. Il se digère aussi très vite, notamment en raison de son faible taux de caséine. D'un point de vue anthropologique, cela suggère que l'espèce humaine a évolué sur des rythmes d'alimentation où les petits restaient en contact étroit avec leur mère, et pouvaient téter n'importe quand, de jour (portage dans un porte-bébé style hamac) comme de nuit (sommeil partagé) (3). » Extrait D’Allaiter Aujourd’hui n°44 : Fréquence et durée des tétées – LLL France 2000
Déjà, là, on y voit plus clair ! Tout comme le kangourou ou le singe, le petit d’Homme est un « petit porté ». Son immaturité à la naissance (liée à une sombre histoire de cerveau trop gros…. Quels intellectuels ses Hommes !) va nécessiter une continuation de la grossesse « ex-utéro ». Incapable de se déplacer, le petit porté réclame une présence constante d’un parent d’une part pour le protéger d’autre part pour le nourrir souvent.

"L'être humain a perdu sa fourrure il y a 4-5 millions d'années, lorsqu'il a quitté la forêt vierge, et qu'il s'est installé dans les savanes sèches et les steppes d'Afrique. Et malgré le temps passé depuis lors, les bébés humains naissent encore et toujours avec les mains et les pieds fermés, comme s'ils allaient s'agripper "à la fourrure" de leur mère."  Franz Renggli (Psychanalyste et psychothérapeute corporel), Basel 25.04.2001

Le fait d’évoluer dans une société occidentale qui pratique plutôt une mise à distance du nouveau-né (chambre à part, poussette…) créé forcément un décalage entre ce à quoi nous sommes préparés en tant que parents, par la société, et la réalité à laquelle nous nous trouvons confrontés !

« Les trois premiers jours
Après une période d'éveil d'environ 2 heures où les capacités du nouveau-né sont à leur apogée, celui-ci devient le plus souvent somnolent au cours des 24 heures qui suivent. En dehors de situations d’hypothermie, il n’y a pas de risque d’hypoglycémie pour un nouveau-né à terme et en bonne santé dans les 48 premières heures (4).
Après un éveil progressif le 2ème jour, survient un épisode de demande frénétique, qui dure souvent plusieurs heures juste avant la montée laiteuse. Les mères prévenues de l'existence de cet épisode normal et limité dans le temps sont plus à même de répondre à cette demande si elles sont assurées de son caractère normal et transitoire.
Leurs deux grandes inquiétudes à ce moment sont, d'une part de manquer de lait, et d'autre part, la crainte de ne pouvoir suivre un tel rythme sur une longue période. L'accompagnement par un personnel formé à l’allaitement et à l’écoute est alors essentiel. Cela permettra à la mère de faire l'expérience gratifiante qu'elle « suffit » à combler les besoins de son bébé, et que ceux-ci sont normaux et transitoires. C'est une expérience fondatrice pour la poursuite de l'allaitement et la construction de la relation mère-enfant. L'enfant prend ensuite un rythme de croisière à partir de la « montée laiteuse », rythme auquel la maman va progressivement s'habituer. » Extrait des DA 80 Quand la connaissance des rythmes peut lever des obstacles (juillet-août-septembre 2009) – La Leche League
Ces informations devraient être données à toutes les mères AVANT l’accouchement. Une bonne connaissance du rythme du nouveau-né permet clairement de savoir à quoi s’attendre et ce facteur peut tout changer face à ces premiers jours !
N’hésitez pas à vous renseigner auprès d’une association de soutien à l’allaitement, de sages-femmes ou d’une conseillère en lactation avant l’accouchement mais également durant votre séjour à la maternité ! Les bénévoles seront toujours là pour vous répondre et vous accompagner en cas de difficultés.

Les rythmes par la suite

Et puis on rentre chez soi (ou pas, si on était déjà chez soi !) et pour autant les choses ne nous paraissent pas forcément plus simple. Ce bébé tant attendu ne se comporte pas tout à fait comme on l’avait imaginé (comment ? Un bébé ne dort pas forcément 20h/24h d’un sommeil profond ? Comment peut-il pleurer autant avec un si petit corps ?...).

L’allaitement peut alors devenir la cause de tous les maux, l’entourage en rajoute : « laisses le pleurer, ça lui fera les poumons », « il a encore faim ! », « TU ne devrais pas le porter tant, TU vas le rendre capricieux », « TU ne dois pas avoir assez de lait/ TON lait n’est pas assez nourrissant », « VOUS n’espacez pas assez les tétées, il pleure car il a mal au ventre du coup »…  et nos certitudes de parents peuvent se trouver bien ébranlées !

Lors des premières semaines, une bonne connaissance du rythme de l’enfant et de leur raison d’être pour la mise en place de l’allaitement et du lien mère-enfant (bon, ok pour le 2ème, ça ne parait pas toujours évident au premier abord, mais si, quand même!) va pouvoir permettre de dépasser ce cap de la mise en route plus sereinement.

« Au cours de la journée, il était culturellement admis qu'un nouveau-né « ça tète toutes les 3 heures environ ». Depuis quelques années, les conseils aux mères vont dans le sens d’un allaitement « à la demande ». Or certaines mères se plaignent de ce que leur bébé tète « tout le temps » ou bien qu'il « prend la nuit pour le jour ». Quand on interroge plus en détail ces mères, elles décrivent le plus souvent la situation suivante : le bébé dort le matin, avec des tétées plutôt espacées, mais pleure beaucoup le soir, moment où  elles pensent manquer de lait. Cette situation amène classiquement à donner un complément de lait industriel. Or on touche là la réalité concrète du rythme physiologique de l'allaitement maternel: celui-ci ne consiste pas en un espacement régulier de quelques heures entre des tétées réparties de façon homogène au long du nycthémère. Tout d'abord, il y a plus de tétées entre 14h et 2h du matin qu'entre 2h et 14h (5), jusqu’au double les 3 à 6 premières semaines (3). C'est une réalité à laquelle les nouveaux parents ne sont pas forcément préparés. Mais il s'agit d'un phénomène normal et non pas d'une « confusion » du bébé. Les tétées de nuit étant particulièrement importantes au début pour l'établissement d'une lactation abondante, on peut penser que ce phénomène a son intérêt.
Physiologiquement, les tétées du matin sont abondantes (120 à 150 ml) – (5) et relativement espacées (2 à 5 h). Au fur et à mesure de l'avancement de la journée, les tétées se rapprochent en même temps que l'éveil de l'enfant augmente. Survient alors, le plus souvent entre 14 h et 2 h du matin, un épisode de « tétées groupées » (3) où le bébé tète de façon très fréquente pendant 2 à 3 heures, prenant à chaque fois de petites quantités (une gorgée à 40 ml) – (5) de lait plus gras de fin de journée (la maman percevant à cette heure là que ses seins sont peu remplis).
Cet épisode de tétées groupées est caractéristique des bébés au sein (à quelques exceptions près). On peut dire qu'il est « physiologique ». Or souvent la maman, après avoir donné les deux seins à son enfant, pense qu'elle manque de lait si celui-ci réclame encore (et est tentée de lui donner un complément), ou berce l'enfant pour le calmer plutôt que de lui redonner ce dont il a besoin pour sa croissance normale : le lait maternel, avec sa composition et sa quantité spécifiques à ce moment de la journée. Lorsque la mère comprend qu'il s'agit là d'un rythme (et non pas d'anarchie), d'un phénomène normal et habituel (et non d'un problème que poserait son bébé ou son allaitement) et que sa production de lait n'est pas en cause, elle reprend le plus souvent confiance en elle. Le fait de lui expliquer que son lait est sécrété en continu, que plus le bébé tète plus la production est rapide (6), de lui proposer d'alterner les seins très souvent lors de ces épisodes, et de lui faire observer les épisodes de sommeil calme de son bébé à d'autres moments de la journée, suffit souvent à maintenir un allaitement maternel exclusif avec une maman sereine et une prise de poids adéquate.
Autre élément clé du rythme de l'allaitement maternel, au long cours cette fois : les « jours de pointe ». Ce sont des périodes de quelques jours, que l'on observe souvent à des dates particulières : autour de 3 semaines, 6 semaines, 3 mois, mais aussi avant ou pendant un épisode de développement spécifique à l’enfant : poussée dentaire, acquisition de la marche, épisode de maladie infantile. Ou encore lors d’un événement familial : vacances, déménagement ou autre. Parfois appelés « poussées de croissance », ces phénomènes sont plutôt des épisodes comportementaux transitoires normaux, adaptés au bon déroulement de l’allaitement dans les pays occidentaux. Ils se caractérisent par un changement brutal de rythme de tétées, avec des tétées fréquentes et anarchiques, tout au long des 24 h, pendant plusieurs jours. L'expérience prouve que la réponse adaptée à ce comportement est de répondre sans restriction à cette demande frénétique, en alternant les seins plus que de coutume et en observant les besoins du bébé. Là encore, le caractère normal et surtout transitoire de cet épisode, souvent très déstabilisant, suffit à le rendre acceptable pour la maman, surtout si elle en a eu connaissance avant qu’il ne se présente. La prévention par une information adéquate tout au long de la grossesse et de la période post natale a ici toute sa place ainsi que la cohérence du discours des différents intervenants auprès des parents. » Extrait des DA 80 Quand la connaissance des rythmes peut lever des obstacles (juillet-août-septembre 2009) – La Leche League

C’est ainsi que lors des premières semaines, les parents devraient être informés de tout ce qui peut favoriser la proximité entre bébé et maman (peau à peau, portage, sommeil partagé…) et par conséquent favoriser un bon début d’allaitement.

Que les papas ne se sentent pas lésés! Leur rôle durant ces premières semaines est également déterminant : prendre le relais auprès du bébé pour que maman se repose, donner le bain, faire des massages, porter, soutenir sa compagne dans les moments difficiles (mais si, vous savez ! quand on a la larme à l’œil, qu’on pleure, qu’on vous dit qu’on devrait tout arrêter..) mais également par rapport à l’entourage.

Dans tous les cas retenez ceci :

Parents, votre enfant est unique, vous êtes uniques et chacune de vos histoires d’allaitement sera unique. Vous êtes ceux qui connaissez le mieux cet enfant (même si ça ne semble pas évident tous les jours !!!!!), ayez confiance en votre capacité à faire ce qui est le mieux pour lui et pour vous, n’hésitez pas à contacter des personnes ressources, pour vous soutenir et vous accompagner dans les moments difficiles !




Pour aller plus loin

http://www.lllfrance.org/Dossiers-de-l-allaitement/DA-80-Quand-la-connaissance-des-rythmes-peut-lever-des-obstacles.html
http://www.lllfrance.org/Maternage-developpement-des-bebes/Frequence-et-duree-des-tetees-rythmes-de-l-allaitement-et-du-bebe-allaite.html
Sur le rôle des pères dans l’allaitement : http://www.lactitude.com/docs/Lactitude/docs/m06.pdf